Le deuil a des symptômes très proches de ceux de la dépression : perte de goût à la vie, crises de larmes, sentiment de vide… Alors comment savoir si, suite à la perte d’un être cher, on fait son deuil normalement ou si on est dans un état dépressif ? Quelle est la différence entre deuil et dépression en psychologie ? Le point avec une psychothérapeute spécialisée dans le deuil.
L’impact psychologique du deuil
Nous sommes tous confrontés, à un moment ou à un autre, à l’expérience du deuil. Le deuil est considéré comme l’un des événements de vie les plus stressants ; il a donc un réel impact psychologique. Cependant, la nature et l’ampleur de cet impact psychologique varie grandement en fonction des cas. Les conditions du décès et la nature du lien affectif entre la personne décédée et la personne en deuil notamment jouent beaucoup dans l’ampleur de l’impact psychologique du deuil. Par exemple, un décès par suicide, la perte d’un enfant ou le décès d’un conjoint ont un impact psychologique plus important sur la personne endeuillée.
L’impact psychologique du deuil est un phénomène normal. On parle de deuil compliqué ou de deuil pathologique uniquement lorsque le deuil entraîne une souffrance prolongée, voire une dépression. En effet, deuil et dépression sont deux choses différentes : le deuil ne conduit pas obligatoirement à la dépression. Un deuil qui entraîne une dépression est un deuil pathologique et nécessite un soutien psychologique.
Deuil et dépression, à ne pas confondre !
Le deuil ressemble à une dépression, mais attention à ne pas confondre les deux. Il est vrai que certains symptômes sont communs : le repli sur soi, la fatigue intense, les crises de larmes, le sentiment de vide, la perte du goût de vivre… Cependant, dans le cas du deuil, les symptômes vont durer entre 6 et 12 mois et disparaître progressivement, alors que dans le cas de la dépression, une prise en charge psychologique voire psychiatrique sera généralement nécessaire. Il est inutile de soigner un deuil avec des médicaments antidépresseurs si le deuil est normal et non pathologique. A l’inverse, le processus naturel de deuil serait perturbé, ce qui peut provoquer l’effet inverse et entraîner une vraie dépression.
Comment différencier deuil et dépression ?
Deuil ou dépression, comment faire la différence ? Voici les conseils de votre psychothérapeute pour ne pas confondre deuil normal et deuil compliqué ou deuil pathologique risquant d’entraîner une dépression.
Les phases du deuil normal
Si la durée d’un deuil varie grandement en fonction des individus et des circonstances du décès, on considère qu’un deuil normal ne durera pas plus de 12 mois. On distingue 3 phases dans le processus de deuil normal :
- La phase initiale (phase de détresse), caractérisée par un état de choc. La personne en deuil continue à vivre de manière automatique. Elle est plongée dans un état d’engourdissement et ne parvient pas encore à croire que le décès s’est réellement produit. Cette phase de choc peut durer de quelques heures à quelques jours.
- La phase de repli est la période aigue du deuil pendant laquelle la personne endeuillée ressent de la tristesse, de la culpabilité, un sentiment de vide, une fatigue intense ou encore un sentiment de honte. Elle peut également ressentir un sentiment d’injustice et en vouloir à la personne décédée de l’avoir abandonné. C’est pendant cette phase qu’il peut y avoir des crises de larmes et un retrait social. Parfois, il peut y avoir également une identification inconsciente au défunt : sans en être consciente, la personne endeuillée imite sa manière d’être, ses habitudes, etc. Cette phase peut durer entre plusieurs semaines et 1 an (généralement, elle dure moins de 6 mois).
- La phase de résolution ou phase d’adaptation, qui marque la fin du deuil. Cette phase est marquée par l’acceptation du décès. La personne endeuillée peut penser au défunt sans que cela ne provoque une souffrance excessive. Elle va rétablir ses habitudes et reprendre ses intérêts habituels. Elle va recommencer à faire des projets et à nouer des relations sociales.
C’est surtout pendant la phase de repli qu’il est difficile de distinguer le deuil normal d’une dépression.
Quand parle-t-on de deuil pathologique ?
Le deuil pathologique est un deuil prolongé. Chez environ 7% des personnes endeuillées, le deuil provoque une souffrance excessive et prolongée : c’est à ce moment-là que l’on parle de deuil compliqué ou pathologique. Le deuil compliqué se manifeste par une perturbation du travail de deuil, et le deuil pathologique par la survenue de troubles psychiatriques.
Dans le cas d’un deuil pathologique, certains symptômes se manifestent de manière prolongée. L’individu va cesser d’avancer et va continuer à ressasser les souvenirs du passé pendant des mois voire des années. Cet état s’accompagne d’un isolement, d’un état de torpeur et d’un sentiment de vide. Tout ce qui rappelle la personne décédée est intensément douloureux : les lieux qu’elle fréquentait, les rassemblements familiaux, les centres médicaux…
Il n’existe pas vraiment de grille d’évaluation pour diagnostiquer un deuil pathologique mais d’un point de vue international, on va généralement considérer que le deuil est prolongé si la phase de repli persiste après 12 mois. Le diagnostic est cependant délicat car il existe une infinité de réactions de deuil !
Comment reconnaître une dépression causée par un deuil ?
Il est fréquent que le deuil entraîne des troubles dépressifs. Des études ont montré que 10 à 20 % des veufs présentent un symptôme dépressif plus d’un an après le deuil. Mais dans près d’un quart des cas, les troubles dépressifs apparaissent plus tôt dans le processus de deuil (dès le 2ème mois) : la dépression est alors plus difficile à diagnostiquer. On peut cependant identifier certains comportements qui relèvent davantage du trouble dépressif plutôt que du deuil normal :
- Lorsque la personne endeuillée souhaite mourir pour d’autres raisons que pour être avec la personne décédée
- Lorsque la personne endeuillée se dévalorise systématiquement
- Lorsque la personne endeuillée présente un ralentissement psychomoteur marqué
- Lorsque la personne endeuillée est sujette à des hallucinations autres que celles d’entendre la voix ou de voir l’image du défunt
- Lorsque la douleur s’aggrave au fil du temps
- Lorsque la personne endeuillée se met à consommer de la drogue ou de l’alcool.
Des symptômes physiques peuvent également se manifester : prise de poids excessive, insomnies, maladies fréquentes…
En cas de dépression causée par un deuil, il est très important de se faire accompagner par un médecin et de consulter un thérapeute. En effet, la dépression peut perturber le déroulement normal du deuil et compliquer le processus d’adaptation.