Deuil pathologique : comprendre ce trouble et ses enjeux
Le deuil pathologique est un trouble psychologique qui touche environ 10 à 15 % des personnes endeuillées dans le monde. Ce type de deuil se distingue par sa durée prolongée et par la présence de symptômes intenses tels que la dépression, l’anxiété, l’isolement ou des troubles de l’humeur. La particularité du deuil pathologique est qu’il dépasse le cadre d’un processus naturel de deuil, devenant une source importante de souffrance psychique nécessitant une prise en charge adaptée. Ce phénomène est souvent lié à un décès soudain, violent ou perçu comme injuste, mais peut aussi survenir dans d’autres circonstances.
Deuil pathologique : définition et caractéristiques
Le deuil pathologique s’oppose au deuil dit normal, qui est un processus psychique naturel passant par différentes phases comme le déni, la colère, la tristesse, et l’acceptation progressive de la perte. D’autres formes de deuil existent également, notamment le deuil anticipé lorsque la perte est attendue, le deuil collectif qui concerne un groupe de personnes, et le deuil traumatique lié à un décès brutal accompagné de symptômes de stress post-traumatique. Le deuil pathologique se caractérise par une difficulté à accepter la perte, une intensité prolongée des symptômes émotionnels et une incapacité à reprendre une vie normale.
Deuil pathologique : critères diagnostiques selon le DSM-5 et l’OMS
Le diagnostic du deuil pathologique repose sur des critères définis par le DSM-5 et la Classification Internationale des Maladies (CIM-11) de l’OMS. Pour être qualifié de pathologique, le deuil doit durer au moins 12 mois chez un adulte, ou 6 mois chez un enfant. Pendant cette période, la personne ressent de façon persistante une douleur émotionnelle intense (tristesse, colère, culpabilité, nostalgie du défunt), ainsi qu’au moins six symptômes spécifiques tels que difficulté à accepter la perte, sentiment de colère, engourdissement émotionnel, perte d’identité, isolement social, et pensées de mort liées au désir de rejoindre le défunt. Ce syndrome engendre une détresse majeure avec un impact sur la vie sociale, familiale, professionnelle et personnelle.
Durée et diagnostic du deuil pathologique
Un deuil normal dure généralement entre 8 et 12 mois chez l’adulte et environ 6 mois chez l’enfant. Au-delà, on parle de deuil pathologique ou compliqué. Le diagnostic se fait notamment via l’évaluation de la présence d’au moins trois symptômes caractéristiques selon le DSM-5, comme l’incrédulité, la douleur émotionnelle intense, la confusion identitaire, l’évitement des rappels de la perte, le sentiment d’engourdissement, ou encore l’isolement social. Ce diagnostic est crucial car le deuil pathologique peut être confondu avec une dépression classique, alors que les traitements diffèrent.
Prise en charge et traitement du deuil pathologique
Le deuil pathologique nécessite une prise en charge spécialisée pour éviter les complications graves. La psychothérapie est au cœur du traitement, souvent sous forme de thérapie individuelle. La thérapie cognitivo-comportementale est fréquemment recommandée car elle agit sur les pensées dysfonctionnelles liées à la perte et aide à réadapter le fonctionnement émotionnel. Dans certains cas, des traitements médicamenteux tels que les antidépresseurs ou anxiolytiques peuvent être prescrits, surtout si le deuil pathologique s’accompagne de dépression sévère ou d’idées suicidaires. Les techniques de relaxation et de gestion du stress peuvent aussi être intégrées au traitement.
Deuil pathologique : conseils et perspectives
Comprendre le deuil pathologique est essentiel pour ne pas minimiser la souffrance des personnes concernées. Contrairement à une simple période de tristesse, ce type de deuil peut avoir un impact lourd sur la qualité de vie. Un suivi psychothérapeutique adapté, associé si besoin à une intervention médicale, permet d’améliorer le pronostic. La reconnaissance des symptômes, le diagnostic précoce et la prise en charge en cabinet sont les clés pour accompagner la personne endeuillée vers un apaisement durable.
Références scientifiques et médicales
Lichtenthal WG, et al. Validation of the prolonged grief disorder-13 (PG-13) scale among bereaved individuals. Psychol Assess. 2016;28(6):575-580.
Prigerson HG, et al. Prolonged Grief Disorder: Psychometric Validation of Criteria Proposed for DSM-5 and ICD-11. PLoS Med. 2009;6(8):e1000121.
Shear MK. Complicated grief. N Engl J Med. 2015;372(2):153-160.
American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th Edition. 2013.
World Health Organization. International Classification of Diseases 11th Revision (ICD-11). 2018.
Boelen PA, et al. A cognitive-behavioral conceptualization of complicated grief. Clin Psychol Sci Pract. 2006;13(2):109-128.
Kersting A, et al. Prevalence of complicated grief in a representative population-based sample. J Affect Disord. 2011;131(1-3):339-343.
Simon NM, et al. The prevalence and correlates of psychiatric comorbidity in complicated grief. Compr Psychiatry. 2007;48(5):395-399.
Zisook S, et al. Bereavement: Course, Consequences, and Care. J Clin Psychiatry. 2014;75(6):e16.
Bonanno GA, et al. Resilience to loss and chronic grief: a prospective study from preloss to 18-months postloss. J Pers Soc Psychol. 2002;83(5):1150-1164.
Lichtenthal WG, et al. Early interventions for bereavement-related depression and grief: a systematic review. J Affect Disord. 2015;175:1-11.
Currier JM, et al. Complicated grief treatment: an empirical review of interventions. J Clin Psychol. 2010;66(3):225-238.
Shear MK, et al. Treatment of complicated grief: a randomized controlled trial. JAMA. 2005;293(21):2601-2608.
O’Connor M, et al. Bereavement and complicated grief. Br J Psychiatry. 2010;197(6):487-488.
Prigerson HG, Maciejewski PK. Grief and acceptance as opposite sides of the same coin: setting a research agenda to study peaceful acceptance of loss. Br J Psychiatry. 2008;193(6):435-437.